Sélectionner la langue

French

Down Icon

Sélectionnez un pays

France

Down Icon

"C'est un outil de protection et de dissuasion" : ces maires de gauche qui ont choisi d'armer leur police municipale

"C'est un outil de protection et de dissuasion" : ces maires de gauche qui ont choisi d'armer leur police municipale

A un an des municipales, la position défendue par La France insoumise de désarmer ces agents a été critiquée, y compris à gauche. Le maire écologiste de Bordeaux se prépare ainsi à faire l'inverse.

Temps de lecture : 8min
Un policier municipal à Toulouse, le 14 mars 2025. Dans la Ville rose, les agents sont équipés d'armes à feu depuis 2014. (FRED SCHEIBER/SIPA)

Les vives réactions ne l'ont pas échaudée. "La police municipale dans notre pays n'a pas à posséder d'armes à feu. Je le dis et je le maintiens", martèle Mathilde Panot dans une vidéo publiée mardi 8 juillet sur X. La cheffe de file des députés de La France insoumise avait suscité une polémique en affirmant dimanche, sur BFMTV, que les candidats de son parti aux élections municipales, s'ils étaient élus, retireraient leurs armes aux policiers municipaux qui en disposent. A un an du scrutin, le parti de Jean-Luc Mélenchon a également publié sur son site un programme, présenté comme une "boîte à outils", qui plaide pour "refuser l'armement létal des policiers municipaux" dans toutes les communes, qu'il s'agisse d'armes à feu ou de lanceurs de balles de défense (LBD). Evidemment fustigée par la droite et l'extrême droite, cette position suscite aussi des turbulences avec les partenaires de LFI au sein du Nouveau Front populaire, alors que de nombreux maires de gauche ou écologistes ont choisi d'armer leur police municipale.

Depuis une loi de 1986, chaque mairie peut décider d'autoriser les policiers municipaux à porter une arme létale. Il faut faire voter cette décision lors d'un conseil municipal. C'est ce qu'a fait l'écologiste Pierre Hurmic, élu maire de Bordeaux en 2020, à la fin de l'année 2024. Cette mesure sera effective "la semaine prochaine", six mois après un conseil municipal qui avait marqué un tournant. "Je n'étais pas philosophiquement partisan de l'armement des policiers municipaux, ce n'est pas une idée qui me serait venue en début de mandat", retrace-t-il auprès de franceinfo.

En avril 2024, son adjoint à la sécurité assurait au Figaro que "l'armement létal de notre police municipale serait une erreur stratégique et une fuite en avant". Quelques mois plus tard, la position de la majorité bordelaise a évolué. "J'ai le souci d'être un maire à l'écoute de ses agents, du terrain, et j'ai le sens des responsabilités et du pragmatisme. Je suis conscient de l'aggravation d'un certain type de délinquance, et je ne peux pas laisser les policiers municipaux désarmés, d'autant que bien souvent, ce sont eux qui interviennent en premier, de jour comme de nuit", explique Pierre Hurmic. Il dit également avoir constaté les difficultés à recruter des policiers municipaux au début de son mandat, alors que les agents réclamaient d'être armés.

"Il s'agit d'un outil de protection et dissuasion", ajoute Pierre Hurmic, qui a souhaité trouver "une solution mixte, à la bordelaise". Une nouvelle brigade "d'appui et de sécurisation" a donc été créée, dont les agents seront armés, tandis que les policiers municipaux ayant vocation à faire de "la proximité", soit les trois quarts des effectifs, ne le seront pas. "Je suis en phase avec mes convictions", résume aujourd'hui Pierre Hurmic, qui assure que la ville comptera autant de médiateurs, en charge de la prévention, que de policiers municipaux armés.

La cité girondine s'est donc ajoutée à la liste des communes qui disposent d'une police municipale dotée d'armes létales. D'après un décompte de franceinfo, 14 des 20 villes les plus peuplées de France ont équipé leurs agents d'armes à feu. Une quinzième, Angers, devrait les rejoindre après un vote du conseil municipal, fin juin. De plus petites communes, comme Bruges (Gironde), 20 000 habitants, ont aussi fait ce choix.

Selon l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales, environ 80% des polices municipales sont équipées d'armes, létales ou non (matraques télescopiques, gaz lacrymogène, pistolet à impulsion électrique...). Interrogé par franceinfo, le ministère de l'Intérieur précise que dans les 3 812 communes où sont déployés des policiers municipaux, 58% d'entre eux sont équipés une arme à feu. Une tendance à la hausse : ce chiffre n'était que de 37% en 2014, selon la Cour des comptes.

Avant de se décider, l'édile bordelais avait consulté d'autres élus de gauche, dont Mathieu Hanotin. Ce socialiste avait battu le maire communiste sortant de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) en 2020, après avoir fait campagne en promettant l'armement des policiers municipaux. Il défend une décision basée sur "la réalité du terrain". "Lorsqu'ils participent à la sécurité publique, les policiers municipaux peuvent-ils se retrouver face à des gens armés ? A Saint-Denis, oui, il y a de façon récurrente des bagarres avec des armes blanches ou à feu. Nos agents doivent pouvoir se protéger et protéger nos concitoyens, il leur faut des moyens de réagir de manière proportionnée", assure-t-il à franceinfo.

S'ils assument leur décision, ces maires de gauche sont conscients que le débat existe encore dans leur famille politique. "Il y a des maires qui demeurent foncièrement hostiles à l'armement de la police municipale, d'autres disent que ça sera le débat des prochaines municipales", note Pierre Hurmic, qui déplore une position de LFI "complètement hors-sol".

A Grenoble, le maire écologiste Eric Piolle continue de s'y opposer. "Je considère qu'armer nos policiers municipaux d'armes à feu, c'est les exposer à des missions qui ne sont pas les leurs, et à des risques supplémentaires", expliquait-il en 2024 sur BFMTV, quatre ans après une passe d'armes sur la sécurité avec le ministre de l'Intérieur de l'époque, Gérald Darmanin. Les édiles socialistes de Nantes, Rennes et Lille s'y refusent aussi. "Je n'ai ni totem, ni tabou, ni dogme à faire évoluer leur mission et donc leur équipement, assurait en mai Nathalie Appéré, maire de Rennes, interrogée par Ouest-France. Par contre, c'est mentir aux gens que de laisser penser qu'il suffirait d'armer la police municipale pour qu'il n'y ait plus de problème". Pourtant, "le PS a largement fait sa mue sur ce sujet", estime le maire dyonisien Mathieu Hanotin, "même si ça ne veut pas dire qu'on plaide pour armer tous les policiers municipaux".

Autre cas de figure : à Lyon, les écologistes ont, en remportant l'élection en 2020, hérité d'une police municipale armée depuis 2015. "Il n'est pas question de désarmer les policiers municipaux, ça a d'ailleurs été voté plusieurs fois en conseil municipal", balaie auprès de franceinfo l'exécutif municipal, auquel participent aussi des élus de gauche radicale. "Au niveau local, LFI n'a pas porté ce message", poursuit-on dans la majorité, qui s'apprête par ailleurs à augmenter de 10% le nombre de caméras de surveillance et à recruter des policiers municipaux, "pour avoir du bleu dans les rues". Sur près de 300 agents lyonnais, 200 sont armés. Un choix qui va un peu plus loin que le corpus programmatique d'Europe Ecologie-Les Verts pour les élections municipales de 2020, qui affirmait qu'"il n'est pas question de désarmer du jour au lendemain les polices municipales", mais que l'armement n'est pas "une solution pérenne pour assurer la sûreté des habitant-e-s".

A moins d'un an des élections municipales, la volonté affichée par les insoumis de désarmer la police municipale pourrait compromettre d'éventuelles alliances locales, mais aussi de mettre LFI face à des contradictions entre la ligne fixée à Paris et les enjeux locaux. Le député David Guiraud, qui brigue la mairie de Roubaix (Nord), a ainsi déclaré à l'AFP qu'il ne comptait pas désarmer la police municipale s'il était élu.

Francetvinfo

Francetvinfo

Nouvelles similaires

Toutes les actualités
Animated ArrowAnimated ArrowAnimated Arrow